- description
- Ce tableau et son pendant (portrait de Dominique Deurbroucq, 2015.5.1) représentent, sur des toiles de grandes dimensions, chacun d’entre eux dans un environnement bien spécifique qui met en scène leur statut respectif et, par-dessus tout, leur réussite sociale fondée sur le commerce atlantique. Ces tableaux constituent la représentation exceptionnelle d’une réalité : la présence des Africains à Nantes. En dépit de l’importance du phénomène, ces deux tableaux sont à ce jour sans équivalent puisqu’aucune représentation de ce type, d’un Nantais avec une personne noire mise en esclavage, n’est identifiée en collection privée ou publique. La jeune femme qui apparaît sur le portrait de Marguerite Deurbroucq, dont l'identité n'est pas révélée, remplit très probablement les fonctions de servante et de nourrice. Sa représentation répond en tous points aux obligations légales vestimentaires imposées en juin 1720 par une ordonnance du Gouverneur de la Guadeloupe afin d'interdire "le luxe des esclaves", car les maîtres autorisés à leur donner "leurs vieilles hardes", en profitaient pour les habiller de vêtements de qualité. Le règlement les oblige, dorénavant, à les vêtir de vêtements conçus en "toile blanche, gingas, cotonilles indiennes et autres étoffes blanches de peu de valeur, avec pareils habits dessus, sans soie, dorure ni dentelles, à moins que ce soit à très bas prix". Des colliers, des pendants d'oreilles, des pourpoints et des livrées "suivant la qualité desdits maîtres et maîtresses avec chapeaux et bonnets, turbans ou brésiliennes simples" sont tolérés mais "sans dorures ni dentelles ni autres ajustements". Ici, la posture du modèle, particulièrement digne, ses traits bien dessinés et le fait que son regard sorte du cadre de l'oeuvre comme si elle était perdue dans ses pensées, renforcent sa présence dans le tableau. Si sa couleur de peau est censée valoriser la blancheur de celle de Marguerite, la nuance que le peintre y apporte révèle qu'elle est plutôt issue d'une union mixte, récente ou plus ancienne, sans aucun doute contrainte, et vraisemblablement originaire des colonies. Ainsi, en apportant le sucre sur un plateau, elle symbolise, à elle-seule, le système colonial esclavagiste français.
- sujet representé
- Marguerite Deurbroucq apparaît dans un univers aux connotations féminines, évoquant les îles et l’exotisme. Assise de face sur un fauteuil Louis XV sur le dossier duquel est posé un perroquet gris du Gabon, elle porte la main à une tasse de chocolat. La personne mise en esclavage qui se tient derrière elle, et dont les vêtements blancs, le collier de perles et les boucles d’oreilles soulignent le caractère sombre de la peau, lui apporte du sucre sur un plateau. Le choix de représenter la jeune femme en blanc s’inscrit dans la tradition de ce type de portrait.
- cartel
- MARGUERITE DEURBROUCQ ET UNE FEMME VIVANT EN ESCLAVAGE À NANTES
Les tableaux de Dominique Deurbroucq et de son épouse née Marguerite Sengstack, réalisés par Pierre-Bernard Morlot en 1753, sont exceptionnels par la représentation d’un homme et d’une femme vivant en esclavage à Nantes, figurant à leurs côtés. Si les modèles n’ont, à ce jour, pas encore été identifiés, ils témoignent de l’existence de personnes en état de servitude sur le sol français.
Pierre-Bernard Morlot
Huile sur toile
1753
- mots-clés
- Personne vivant en esclavage / Propriétaire de personne vivant en esclavage / Traite des êtres humains / Animal / Perroquet / Sucre
- Mots-clés (personne)
- Deurbroucq, Marguerite - 1715 - 1784
